16 heures jusqu’au Paradis

Mes parents travaillaient de soir, et souvent, c’est vers minuit, lorsqu’ils revenaient qu’on partait.

Tout était prêt, ils préparaient les derniers bagages et nous embarquaient encore endormis dans la van Aerostar bleue, mes deux frères et moi. Nous étions tout jeune, entre 3 à 11 ans environ.

Le lendemain matin on se réveillait étendu sur le sol de la voiture, les bancs retirés. Un petit coup d’œil par la fenêtre pour réaliser que nous étions aux États-Unis, en approche de la Floride. J’adore la chaleur, le climat et les plages du sud, j’y ai passé tellement de semaines en hiver.

La ride de voiture était sûrement l’épreuve la plus difficile pour moi. J’avais le mal de transport, et je l’ai probablement encore aujourd’hui. On ne s’arrêtait pas pour faire des petits pipis donc ma mère avait eu la superbe idée du pot de crème glacée.

Je vous explique, attention, cœur sensible, s’abstenir.

Un magnifique pot de crème glacée Coaticook vide et propre faisait office de toilette, pour les numéros 1 ou les numéros 2 … Et dans mon cas, les numéros 3.

Je me souviens, après quelques heures éveillé dans la voiture, à dessiner ou jouer au Game Boy, ça commençait à tourner et je finissais la tête dans le pot de crème glacée. Là, bien évidemment on s’arrêtait et ma mère se débarrassait de mon rebut dans un fossé.

Je me souviendrai toujours de l’odeur du récipient, oui il était propre la plupart du temps mais une odeur de pisse mélangée au plastique, ça ne s’oublie pas. Parfois, son simple parfum me provoquait à dégueuler.

Bref, assez parlé de vomis, de caca et de pipi.

La route

J’ai des souvenirs flous de la route… Une fois je me suis réveillé en sueur avec un perce-oreille dans la main, il faisait nuit et j’avais rêvé qu’un insecte se promenait sur ma tempe. Je me rappellerai toujours les lumières multicolores et puissantes qui transperçaient la nuit. 

-On est où maman? avais-je demandé avec ma p’tite voix d’enfant, les yeux écarquillés devant la frénésie nocture d’une grande ville.

-À Boston! m’avait répondu ma mère avec une voix plus qu’excitée par le downtown.

Imaginez Fear and Loathing in Las Vegas vu par un garçon de 6 ans.

Puis une autre fois, je crois qu’on venait juste de quitter la Floride pour revenir au Québec quand le ciel s’est assombri derrière la voiture. Je me suis retourné sur ma banquette et j’ai vu des nuages noirs horribles se former au loin. Puis soudainement, un torrent s’est mis à tomber, on avançait sur l’autoroute mais on ne voyait plus rien. Sombre vision…

Mais le plus beau dans tous ces souvenirs, c’est lorsqu’on arrivait enfin à destination.

L’arrivée

Dans les années 90, les hôtels ou même les motels n’étaient pas toujours des endroits trash comme aujourd’hui. Et soyons honnête, pour un gamin de 6 ans, dès qu’il y a une piscine, c’est du luxe. Parfois, mes parents louaient une petite maison en bordure de plage et nous y restions une dizaine de jours.

Pour embellir tout cela, mes grands-parents, des vrais snowbirds étaient toujours dans le sud.

Mes deux grands-pères étaient fans de pêche, j’adorais les regarder se tremper les pieds et pêcher toute la journée. Mes grands-mères jouaient aux cartes sur la plage et se baignaient avec nous.

Ce seront, à vie, des joyaux de ma mémoire. Les moments passés avec mes frères à découvrir le climat tropical du sud des États-Unis, se baigner dans les plus belles plages, faire des châteaux de sable, faire des excursions dans les dunes et jouer dans l’océan.

J’ai eu la chance de voir ma famille réunie et heureuse en voyage, je souhaite cela à tout le monde. Quand on est enfant, tout est plus facile, tout est plus drôle et léger.

S’arrêter dans un petit motel à mi-chemin, manger des céréales américaines dans leur boite et regarder les cartoons anglo, c’était un délice. Encore aujourd’hui j’ai cette nostalgie, quand Hey Arnold ou Rocket Power commençaient, mes frères et moi on étaient scotchés devant la télévision, on savait que ce serait fou!

La culture du mini-putt

Je ne sais pas si c’est seulement la culture du mini-putt ou simplement parce que les États-Unis c’est ’think big en esti’, mais les mini-putt sont de véritables parcs d’attractions.

Il en existe une dizaine dans un petit rayon et chacun à son propre thème. Je me souviendrai toujours de mes favoris.

Les pirates, avec des requins suspendus un peu partout, des immenses navires échoués, des décors plus grands que nature, des personnages, des effets sonores, de la musique d’ambiances. Imaginez des tentacules du Kraken qui sortent d’un petit lac artificiel.

La thématique des dinosaures, un long coup de 10 mètres de haut, des tricératops au 12è trou, de la fumée, des cavernes artificielles et j’en passe.

C’était un plaisir chaque fois, de redécouvrir les mini-putts avec ma famille et mes grands-parents.

Boardwalk

J’ai une certaine fascination pour les boardwalk, ces trottoirs en bois en bordure de plage, souvent pour les commerces, les crèmeries et les magasins du genre attrape touriste.

Je dis cela sans trop de méchanceté, c’est juste que c’est le genre de magasin dans lequel le propriétaire est toujours là derrière le comptoir avec son polo blanc, sa casquette ‘USA’, son teint foncé parfois rouge et ses lunettes de soleil. C’est un gros américain typique qui parle fort et qui rit fort. Puis quand il me regarde, un p’tit cul de 6-7 ans avec sa coupe champignon, je me sens intimidé.

Reste que j’ai eue et aurai toujours une fascination pour ces boutiques:

  • Articles de plages
  • Cadeaux souvenirs
  • T-shirt à l’infinie
  • Bijoux
  • Petits articles natures

Oui, vous avez bien lu le dernier, petits articles natures. C’est sûrement la cause de ma fascination. Ces petits articles sont souvent des coquillages de plages, classés par couleurs, il y en a des bacs remplis et ça fait un beau bruit lorsqu’on les brasse un peu avec notre main. Il y a des dents de requins, des sand dollar, des bernards l’hermite vivant et parfois des dents d’alligators. Je pouvais passer des heures dans cette section à regarder tous ces petits objets.

C’est vraiment dans ces moments que je réalise qu’il y avait vraiment un alchimiste qui sommeillait en moi. Fasciné devant tous ces joyaux de la nature, je m’imaginais les observants, les possédants, en faire des produits uniques ou transmutés.

Je vous ai partagé mes souvenirs d’enfance, mes péripéties en Floride, ma mémoire sans filtre. Même si ça prenait 16 heures pour se rendre au paradis et que le rituel impliquait que je vomisse dans un pot de crème glacée Coaticook, je ne changerai jamais rien de ce passé trop précieux.

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